L'art public : études de cas

Le blog des étudiants du cours FAM4500 (UQAM)

« Musée du quotidien » d’Anne Ramsden, par Laurence Gagnon

Figure 1 : Anne Ramsden, "Musée du Quotidien", 2005-2009, Montréal	Photographie : Laurence Gagnon

Figure 1 : Anne Ramsden, Musée du Quotidien, 2005-2009, Montréal

Figure 2 : Anne Ramsden, "Musée du Quotidien", 2005-2009, Montréal	Photographie : Laurence Gagnon

Figure 2 : Anne Ramsden, Musée du Quotidien, 2005-2009, Montréal

C’est en déambulant dans les rues de Montréal qu’il est possible de découvrir une parcelle intéressante du travail d’Anne Ramsden. Son Musée du quotidien, projet en élaboration depuis 2005, consiste en un impressionnant assortiment d’affiches dispersées et placardées sur des murs de la ville.  Dans le cadre du Mois de la photo, Ramsden donne à voir aux passants différentes collections d’un musée fictif, telles que Planche à découper, Prendre un bain (Figure 1) et Pause collation (Figure 2).

En s’intéressant de la sorte aux procédures d’archivage des institutions muséales et aux stratégies promotionnelles et publicitaires, Anne Ramsden propose une œuvre où les disciplines s’entremêlent pour former une proposition où on retrouve les notions inter et transdisciplinaires. Les affiches de l’artiste pour le Musée du Quotidien « tablent principalement sur la photographie […] pour mettre en perspective différentes facettes propres aux deux sphères où l’objet occupe une place prépondérante »[1]. Ainsi, Ramsden, en empruntant ces codes, en vient à déguiser son rôle d’artiste derrière ses affiches.

Il serait donc intéressant de se questionner quant à la manière dont la présence de l’artiste Anne Ramsden est dissimulée dans le Musée du quotidien. Cette problématique sera analysée sous trois aspects, soit l’appropriation de clichés amateurs issus d’Internet, la simulation d’un musée fictif et, enfin, le camouflage dans la ville des affiches.

Tel que le souligne Myriam Ross, du Musée régional de Rimouski, les affiches de Ramsden ont été conçues « à partir d’images généralement puisées sur des sites de partage accessibles par le Web »[2]. Les images qui composent les séries d’affiches ne proviennent alors pas, en réalité, de l’artiste et ne sont donc pas porteuses de sa trace artistique. Anne Ramsden s’absente ici pour témoigner du travail anonyme de l’Autre. Elle s’approprie et intègre directement des clichés sans mentionner leurs provenances ni leurs droits d’auteurs. Les images s’en trouvent ainsi doublement inconnues, car ni attachées à Ramsden ni associables à qui que ce soit.

Ses affiches font, dans un autre ordre d’idées, référence à un musée et une collection. Il s’agit là de la simulation d’une publicité urbaine annonçant des expositions fictives et inexistantes. En créant un faux musée, l’artiste se cache derrière une institution factice. En effet, elle « imite les procédures muséales de classification et d’inventaire »[3] et « tend à remettre en question le rôle muséal »[4]. Elle transfère l’attention, puis la réflexion spontanée que suscite l’œuvre sur le spectateur à une tierce partie, soit l’existence plausible d’une institution. La présence de l’artiste est ainsi oubliée au profit d’un questionnement concernant le potentiel musée, ses éventuelles localisations et programmations.

La mise en espace de l’œuvre de Ramsden ainsi que ses choix diffusionnels renforcent encore davantage l’aspect dissimulatif entourant le projet du Musée du quotidien. Les affiches Ramsdeniennes se fondent dans le panorama propre aux murs et palissades urbaines. La dissimulation provient donc du choix de placarder parmi les autres affiches plutôt que d’avoir recours à un espace exclusif, qui aurait éloigné ses œuvres de leur première lecture, soit la banalité et la généralité de leur support papier. Il va de soi qu’en introduisant avec autant de discrétion ses affiches sur le mobilier urbain, l’œuvre de Ramsden acquiert un caractère indéfini. L’artiste passe en effet incognito, mais ses affiches, dès lors qu’elles se font remarquer, piquent la curiosité.

En somme, l’artiste qui cherche à voiler sa présence doit souvent avoir recours à diverses stratégies. Dans le cas présent, Anne Ramsden fait notamment appel à l’appropriation, à la simulation ainsi qu’à la dissimulation pour renforcer le propos de son œuvre. L’artiste, par les stratégies précédemment énoncées, renforce son intention en anonymisant son passage dans l’espace public, tout comme la vaste majorité des éléments composant le paysage urbain deviennent rapidement invisibles. C’est lorsque l’affiche – l’œuvre – est repérée que son contenu cherche à transformer la barrière entre l’objet commun et l’objet artistique. Ainsi, il serait tout indiqué de se demander comment, dans les affiches du Musée du quotidien d’Anne Ramsden, le média publicitaire comme outil banal sert-il à affirmer la valeur culturelle des objets usuels?

Bibliographie

Anne Ramsden, http://www.ccca.ca/artists/artist_info.html?languagePref=fr&link_id=722&artist=Anne+Ramsden, [visité le 14 octobre 2009]

Myriam Ross, Musée régional de Rimouski, Anne Ramsden – La collection et le quotidien, http://www.bas-saint-laurent.org/texte.asp?id=5518, [visité le 14 octobre 2009]

Optica – Sur l’expérience de la ville, http://www.er.uqam.ca/nobel/k31320/rams01.htm, [visité le 14 octobre 2009]

Patina – Anne Ramsden, http://www.museerimouski.qc.ca/guides/pdf/patina.pdf, [visité le 14 octobre 2009]


[1] Voir les sphères muséales et publicitaires dans  le travail de l’artiste dans  Anne Ramsden – La collection et le quotidien de Myriam Ross

 

[2] Information provenant du texte Anne Ramsden – La collection et le quotidien de Myriam Ross pour le Musée régional de Rimouski

[3] Voir le communiqué de presse de la 11e édition du Mois de la Photo, à Montréal

[4] Voir le communiqué de presse de la 11e édition du Mois de la Photo, à Montréal

5 commentaires»

  pratiquesactuelles wrote @

Hm!
Très intéressant!
Plusieurs questions me viennent à l’esprit.

Comment le budget de l’oeuvre est-il alloué? Hebdomadairement?! Annuellement?! En une seule fois?!

L’endroit est-il réservé à Anne Ramsden ou bien d’autres afficheurs peuvent intervenir sur le lieu?!

Les artistes sont tenus responsables de leur 1% pendant 5 ans, cela s’applique-t-il à Ramsden?!

Charles-Antoine Blais Métivier

  Gabrielle Lacroix Rioux wrote @

Vraiment Intéressant. Je n’ai pas eu la chance de remarquer les oeuvres d’Anne Ramsden pendant le mois de la photo, cependant Anne est mon professeur d’Activité de Synthèse, j’ai donc eu la chance d’assister à la présentation de son travail, et elle a parlé de ce projet qui se continue encore aujourd’hui. Elle est allée chercher ses photographies sur Flickr et a demandé à chaque personne dont elle a prit les photos la permission. Leur nom d’utilisateur n’est pas sur les affiches mais sur le compte flikr d’Anne http://www.flickr.com/photos/anneramsden/ elle mentionne les gens concernés sous les photos. Concernant les affiches placardées dans Montréal, c’est Affichage Sauvage (si je me souviens bien) qui s’est occupé de les mettres, et paraît-il que pour plusieurs affiches ils se seraient trompés de sens, ce qui change la composition et même le sens de l’image.

Je me questionne vraiment sur la notion de quotidien, il me semble que beaucoup d’artistes actifs dans l’art contemporain produisent des oeuvres autour de cette notion, est-ce une mode ou un hasard?

P.S. Charles-Antoine, c’était un projet dans le cadre du mois de la photo et non un 1% (malheureusement). De toute façon, les affiches n’étaient pas toujours visibles très longtemps parce qu’elles ont été couvertes rapidement par d’autre affiches, je pense que pour un 1% ils auraient choisi un lieu fixe. Les affiches étaient mises un peu partout à montréal, ce n’était pas des lieu réservés à ma connaissance. Côté budget, je ne sais pas si elle a eu une bourse pour faire son projet donc.. mystère.

Gabrielle L.R.

  pratiquesactuelles wrote @

Je trouve vraiment intéressant la notion de fiction dans son oeuvre.L’aspect dérision et fictive me rejoint particulièrement. Et pour répondre au questionnement de Gabrielle, je pense que les artistes contemporains en ont peut être assez des institutions des contextes contraignants qu’ils engendrent.

  pratiquesactuelles wrote @

commentaire précédent de Catherine Sarrazin-qui a pas encore compris le système du blogue!

  pratiquesactuelles wrote @

Je trouve que ce travail est plus intéressant que celui qu’elle avait fait en 1997 et qui consistait à utiliser l’esthétique publicitaire pour représenter des objets du quotidien, seuls, sur fond blanc et sans aucune inscription, sur des affiches publiées dans des « présentoirs » à publicité que l’on retrouve partout dans les villes. Avec cette oeuvre, je trouve que la stratégie d’infiltration amène la réflexion plus loin.

Emilie Fortier


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